La décennie écoulée a
représenté un tournant majeur dans le développement des produits islamiques. Le premier grand élément
déclencheur a été la crise en Asie-Pacifique en 1997 durant laquelle les
banques usuraires ont fait monter leurs taux à des chiffres mirobolants
avoisinant les 20% pour attirer les dépôts tandis que les banques islamiques
ont conservé leurs principes de fonctionnement et ont vu les fonds affluer vers
elles. La crise de 2008 a été
un élément déclencheur, non pour l'émergence du concept, mais cette fois-ci pour
la mondialisation de la finance islamique. Successivement, ce sont Londres,
Paris, Luxembourg, Tokyo, New York qui ont intégré les principes de
fonctionnement islamique dans leur système financier et coté en bourse les
principaux produits islamiques tels que les Sukuks.
إن الحلال بين وإن
الحـرام بين وبينهما أمور مشتبهات لا يعـلمهن كثير من الناس فمن اتقى الشبهات
فـقـد استبرأ لديـنه وعـرضه ومن وقع في الشبهات وقـع في الحرام كـالراعي يـرعى حول
الحمى يوشك أن يرتع فيه ألا وإن لكل ملك حمى ألا وإن حمى الله محارمه
Aujourd'hui, les cercles fermés des banquiers
acceptent petit à petit l'idée de la finance islamique par pur intérêt matériel
bien entendu, vu que les fondamentaux sont plus solides. Certains commencent à
faire des mini-formations en ''charia'', avec plus ou moins de sérieux, et plus ou moins d'expertise. Les experts doivent
se demander si cette OPA de la finance usuraire sur la finance islamique est
bénéfique à long terme, ou si les termes de l'échange sont inégaux.
1. Une ''intérêt''
croissant
Nous pouvons énumérer un
grand nombre de raisons qui ont poussé les sphères financières à s'intéresser
de plus prês à ce nouveau concept venu de l'Orient. Les spécialistes avaient
déjà tenté, à travers les hedge funds, de chercher des portes de sortie à la prise de risque toujours plus
élevée, tout en maintenant des taux de rentabilité très intéressants. Les
produits sont devenus de plus en plus sophistiqués et comportaient plusieurs
tares, parmi lesquelles:
- Une complexité accrue des montages probabilistes des
‘’quants’’ destinée à cacher le risque réel
- Un éloignement croissant de la
sphère économique réelle
destiné à rémunérer de manière plus conséquente les intermédiaires, les
assureurs, les banquiers, les traders, le brokers...
- Une concentration plus importante
sur les produits dérivés dont
la volatilité est plus forte et qui restent plus rentables en période de
croissance spéculative (la masse des produits dérivés représente près de 10 fois la richesse mondiale réelle!).
Mais l'ordre naturel des
choses ne peut être éternellement biaisé. A cet égard, ce sont toujours les fondamentaux
réels de l'économie qui produiront la vraie valeur ajoutée, et non les
intermédiaires et les produits dérivés. La valeur ajoutée est produite par
les biens et services relevant de la sphère réelle de l'économie. Au final,
quand un banquier accorde un prêt usuraire à un investisseur, ce sont les
profits qui sont générés par l'investissement productif qui servent à rémunérer
le banquier et l'assureur. Ces deux derniers ne produisent en réalité aucune
richesse. Même en cas de perte, ils saisissent l’hypothèque et se font
rémunérer. Ceci a même amené certains économistes à considérer la banque et
l'assurance comme des parasites improductifs de l'économie. C'est pour cette
raison que de nombreux monétaristes, à leur tête Milton Friedman, ont considéré
que l'économie idéale est celle ou le taux d'intérêt est nul. Certains
attribuent cette vision à Keynes également.
Les récents commentaires
de certains politiciens français, affirmant qu'au fond, la loi française
intègre certains préceptes du coran, marquent une rupture entre le discours des
sphères financières et celui de la classe politique à l'égard de l'Islam.
2. Des atouts
indéniables
Prenons l'une des
principales causes de la crise financière actuelle: la spéculation. Ce
concept est largement prohibé par les principes directeurs de l'Islam, comme
par exemple dans le hadith ou le prophète interdit de vendre une marchandise à
l'endroit même ou elle a été achetée, et ou il interdit de vendre une
marchandise avant d'en avoir pris possession ou encore l'interdiction de la
vente à découvert ''Ne vends pas ce que tu n'a pas''.
La vente à découvert, doublée des
produits dérivés tels que les options d'achat, les trackers, les warrants…a
fait subir aux bourses occidentales des dégâts considérables. Or la proscription
de vendre ce que l’on n’est pas certain de produire sans garantie est explicite
en Islam. Cela rentre dans le concept de l'incertitude
''Al Gharar'' (ex: Les contrats d'assurances dans lesquels on vend littéralement du vent...). Cela fait tomber le courtier dans des
dommages considérables et des pertes importantes lorsque l'acquisition de la
marchandise qu'il a déjà vendue devient plus difficile que prévue, et que faute
de livraison dans les délais, il subit des pénalités usuraires importantes. Ces
exemples sont un simple aperçu des torts causés à l'économie par la spéculation
boursière, surnommée par Keynes ''l'économie
casino''.
Au final c'est une
conséquence très grave que les mésaventures boursières ont fait subir à la
société, quand on a du mettre à contribution l'Etat, donc les taxes, donc
l'argent public, au service du sauvetage des banques, qui n'ont pas tiré la
leçon de leurs folies, et ont recommencé leur spéculation hasardeuse. Obama, à
travers le plan Paulson, a
investit plus de 700 milliards de dollars pour
porter secours aux banques, en négligeant les industries qui produisent
vraiment de la valeur ajoutée, comme l'automobile. Si vous faîtes un tour
aujourd'hui à Detroit, vous y verrez une ville fantôme, avec des taux de
criminalité sans précédents, dus à l'extinction de l'industrie qui faisait de
Detroit le fleuron de l'automobile. Aujourd'hui, la moitié des habitants ont
fuit la ville.
La monnaie est un enjeu
central de tout système économique. A ce titre, il est très important de
relever que dans un système financier islamique, la banque n'a pas le droit de
créer de monnaie à partir de rien, comme c'est la cas dans la banque usuraire. Ce principe est un élément de stabilité très
important. Comme on le sait, les
banques ne disposent réellement que d'environ 5% de l'argent que les déposants
on chez elles. Le reste n'existe pas, et c'est ce qui fait que si tout le
monde demande à retirer son argent de son compte bancaire, la banque ne peut
pas satisfaire plus d'un dixième de ses clients. Dans le système économique
islamique, la banque ne peut pas prêter plus d'argent que ce qu'elle possède
réellement, et c'est un élément fondamental de résistance à la crise, ce
qui explique que les banques islamiques sont sorties quasiment indemnes de la
crise de 2008, entre autres raisons. Les banques islamiques mettent en pratique une requête répétée des plus grands économistes (Friedman, Simon...) une monnaie couverte à 100%.
Un autre exemple
édifiant des dérives du système financier usuraire est le préjudice porté à
l'environnement. Ce début de siècle aura été sans équivoque celui de la question
de la ''destruction durable'' engendrée par les excès matérialistes et la
société de consommation de masse. Aujourd'hui, les Etats ont pris les devants
pour imposer des règles aux entreprises car, encore une fois, non par
conviction morale mais par intérêt économique de perpétuation de l'espèce, la
valeur ajoutée et le besoin premier de l'Homme, à savoir la nourriture, est
produite par cette planète qui est en train d'être détruite. Les industries
polluantes ne sont pas tolérées dans un système financier islamique tout
simplement car la destruction
excessive, et l’abus sont prohibés.
3. L'implication des
universitaires et la carence criante en compétences
Du fait de cet intérêt
croissant, des masters en finance islamique ouvrent leurs portes chaque année.
La London school of economics a été pionnière à ce niveau. Ont suivi quelques
institutions françaises comme l'école de management de Strasbourg, l'université
Paris-Dauphine, la Sorbonne. En Grande-Bretagne , Aston business
school a ouvert le premier centre de recherché spécialisé en finance Islamique. Le marché de la finance islamique
représente environ 1300 milliards de dollars, il requiert donc un nombre
conséquent de cadres formés pour assurer sa continuité. Le problème de la finance islamique
est néanmoins structurel: les formateurs sont des spécialistes de la finance,
pas des spécialistes de l'Islam. En
conséquence, l'on reste prisonnier d'une perspective classique de la finance,
qui met comme priorité n°1 le gain à court terme dans ses modélisations, ce qui
n'est pas sans créer des problèmes majeurs.
Avec l'implication des
financiers classiques, les outils d'évaluation de la performance des produits
islamiques restent quasiment les mêmes, tournant autour du WACC, de l'utilisation des
taux d'intérêts (appelés grossièrement marge bénéficiaire) afin d'attirer les
clients vers la murabaha...Les banquiers islamiques ont par ailleurs un dilemme
devant le besoin en compétences de spécialistes: l'un des piliers de la banque
islamique est la présence d'un comité de supervision, surnommé ''sharia board'' qui certifie
''l'islamité'' de chaque produit commercialisé. Or les spécialistes en
question sont souvent, mais pas toujours comme au Soudan par exemple, employés
de la banque, et sont donc salariés de l'institution qu'ils doivent juger. Ils
sont donc juges et parties, ce qui biaise leur indépendance, pour les ramener à
leur insu à la maxime ''On est au service de qui nous paie''. Dans certaines
situations, les banques n'hésitent pas à changer de charia board, pour engager
des ''savants'' plus modérés!
4. La finance islamique,
est-elle vraiment islamique?
Comme on l'a évoqué plus
haut, l'intérêt soudain des financiers occidentaux pour la finance islamique a
quelque peut créé du mouvement dans ce domaine. Le besoin en ''spécialistes''
s'est très vite fait ressentir, mais le manque d'effectifs était criant. Afin
de pallier à ce besoin des ''mini-formations'' ont été dispensées aux financiers
de formation classique sur les deux ou trois produits phares de la finance
islamique, pour les rendre à leur tour des ''experts'' formateurs en finance
islamique. Mais quand vous posez la question à l'un d'eux sur les livres de
jurisprudence relatifs à l'économie en islam qu'il a lu...le chiffre tends vers
0. C'est un malheur car toute
science a besoin de fondements, la recherche expérimentale sans recherche
fondamentale ne vaut pas grand chose, n'importe quel scientifique vous
l'expliquera. Ce piège, la
finance islamique y tombe peu à peu dans les pays européens. Du fait du manque d'experts, le
gros des effectifs des banques islamiques provient d'anciens cadres de banques
classiques. On commence même à parler de produits dérivés islamiques! Il arrive que vous alliez à un guichet d'un institut de
financement ''islamique'', et que le commercial vous réponde ''optez pour le
produit classique, il est moins cher et plus commercialisé''! Certains n'ont
donc visiblement rien compris à l'essence de l'aspect islamique de cette
finance dite ''islamique''.
Un autre aspect non
islamique est que dans de très larges proportions, les accords sont donnés aux
grands projets avec peu d'attention pour les petits investisseurs, oubliant
l'objectif social qui anime ces institutions.
Par ailleurs, l'un des points les plus
controversés est la pratique éhontée du ''tawarruq munaddam'' de la murabaha dans des conditions plus
qu'obscures. Volker Nienhaus rapporte que plus de 90% des transactions
effectuées par les institutions ''islamiques'' relèvent de la murabaha. Demandons-nous pourquoi alors les
banques classiques se sont ruées vers ce produit plutôt qu'un autre? Ce concept pour le moins controversé
est la solution de rechange au crédit à la consommation. Au
lieu de vous prêter une somme d'argent pour un remboursement ultérieur avec
intérêt, la banque vous vend la marchandise avec un paiement par échéances, qui
comprend une ''marge commerciale'', sur la marchandise initialement achetée. Entre ceux qui prouvent
clairement que ce produit n'est pas islamique et qu'il est un montage hypocrite
destiné à contourner l'interdiction de l'intérêt, et ceux qui disent qu'il peut
être licite mais avec des conditions assez nombreuses et peu souvent
respectées, on est bien perdu. Dans une
étude publiée en 2005 par l'université de Princeton (États-Unis), l'économiste Timur
Kuran montre qu'il s'agit en fait que d'un arrangement conventionnel pour
contourner l'intérêt. Ce produit était destiné à la base à être un
produit marginal de la finance islamique, qui a pour priorité l'investissement
et la promotion de l'entrepreneuriat. Or
la murabaha (qui devrait être appelée mua’adah, vu la manière avec laquelle
elle est actuellement pratiquée) est le produit le moins risqué (risque nul en
pratique), et celui qui est le plus proche de la finance classique sous sa
forme la plus prohibée. La murabaha requiert des conditions drastiques qui sont
généralement bafouées, et prend aujourd'hui 90% des transactions des banques
islamiques...que reste-t-il d'islamique dans ces banques alors? Noublions pas que le ''contractum trinius'' n'est pas une invention
islamique, mais que les chrétiens ont déjà procédé à ceci pour contourner
l'interdiction de l'intérêt. Il s'agit en fait de la juxtaposition de 3
contrats de vente, chacun licite à lui seul, mais qui, rassemblés, donnent un
contrat qui a en pratique le même résultat que l'intérêt. L'église a fortement
condamné cette pratique.
Si l'on prend simplement les
conditions nécessaires pour la validité de la murabaha, elles sont comme suit,
selon certaines interprétations de la jurisprudence islamique:
- La banque se
charge de l'ensemble des démarches administratives
- Le transfert
de propriété doit être physique, la banque doit prendre possession
physiquement du bien avant de le revendre. Il doit passer par ses locaux.
- Durant la
période ou le bien est propriété de la banque, elle doit supporter tout
risque y afférant
- L'acte de
revente est signé ''après'' que la banque ait transféré le bien (sinon
l'acte est invalide comme l'a stipulé l'imam chafei et d’autres après lui,
dont Ibn Rochd)
- En cas de
retard de paiement, la banque ne doit pas imposer de pénalités de retard
(riba al jaahiliya)
Soulignons que ces critères ne
sont généralement pas ou peu appliqués...En pratique, la banque
fait signer l'acte de revente à l'acheteur avant même d'avoir pris en
possession le bien et lui demande d'aller le récupérer directement chez le
fournisseur, tout en n'oubliant pas d'inclure dans certains cas des pénalités
en cas de retard de paiement d'une échéance ou d'abandon de l'achat! C'est le cas de la finance
''alternative'' au Maroc. Par ailleurs, et connaissant la règle de base de
l'islam qui stipule ''al ghunm
bil ghurm'', c'est à dire point de bénéfice sans prise de risque, et la
seconde règle qui interdit les ruses (al hiyal) afin de contourner les
interdictions, la
murabaha n'aurait de légitimité que si elle remplit les conditions déjà énoncées et idéalement la condition suivante:
Que le but principal de la
transaction soit le service rendu par la banque et pas l'emprunt d'argent et le
contournement de l'interdit. Les sous-conditions pour
rendre licite cette murabaha sont les suivantes:
- Il faudrait être sur que même
si le client avait la somme en cash sur lui, il aurait quand même fait
appel au service de la banque (dans ce cas, la marge est justifiée par le service)
- Il faudrait que le client
ignore le bénéfice que fera la banque, car sinon, s'il le pouvait il aurait acheté
la marchandise là ou elle est, en cash, sans passer par la banque
- Que la banque ait une
intention et un comportement de commercial, et non d'emprunteur. Elle ne doit pas être certaine de revendre le produit à 100%, et
le client doit avoir le choix, sauf s'il a signé un engagement écrit et
que la marchandise est trop difficile à revendre à une tierce personne.
- Que la promesse ne soit pas en
engagement contraignant (pour aucune des parties)
- Possibilité pour le client de
se désengager si le produit ne correspond pas à ses critères
- Possibilité de se désengager
si cela ne provoque pas de dommage majeur à l'autre partie et qu'elle ne
s'est pas mise dans une situation compromettante (confirmée par un
juge), car une promesse d'un bienfait n'est pas une signature d'un acte.
Or la promesse d'achat relève de la promesse d'un bienfait. La signature
d'un acte serait prohibée car la banque n'a pas la marchandise en sa
possession et ne peut donc la vendre
- Qu'il y ait un véritable
service rendu par la banque qui justifie la marge:
- importation d'un produit
lointain
- exécution de démarches
administratives trop lourde que le client n'aurait pas fait seul
- recherche du meilleur rapport
qualité prix pour le client, au terme d'une étude du marché qui mérite
rémunération
- ...d'autres services qui
entreraient dans le cadre de notre première sous-condition
- Une autre piste serait l’achat
préalable de plusieurs produits sans que la banque n'ait de clients
préalables, dans ce cas sa prestation s'apparente à de la distribution
commerciale, car elle cherche ses clients ''après'' avoir acheté les
biens
Au terme de cette seconde analyse, nous
constatons qu'ici, la marge serait vraiment licite et équivalente à
un service rendu + un risque pris. Cela ressemblerait au cas suivant bien connu:
Un client demande à un transitaire ou un voyageur de lui apporter une
marchandise donnée d'un pays donné avec des critères bien définis et un
engagement préalable. Ceci est un cas bien connu et licite. La solution au crédit de la
consommation résiderait alors dans la possibilité d'octroyer à chaque banque
islamique une autorisation pour activité commerciale, qui lui permettrait
d'agir en tant que distributeur dans les produits les plus demandés. Elle peut ainsi acheter en gros des
logements sociaux, des voitures très demandées dans le marché, des appareils électroménagers
standards...afin de les écouler d'une manière classique et commerciale avec
paiement par échéances, au lieu de chercher par la ruse à inventer des contrats
qui sont illicites d'un point de vue islamique. La seconde solution, comme ce qui
est pratiqué dans la plupart des pays ayant introduit la finance islamique, est
d'imposer un minimum de 10 à 20% du capital consacré au crédit gratuit et sans
intérêt pour couvrir le crédit à la consommation. Cela marche, la banque Faiçal au Soudan
affichait l'an dernier 55% de bénéfices malgré ces conditions, et 65% de
bénéfices cette année. Des chiffres record qui feraient rêver les directeurs
des plus grandes banques usuraires.
5. L'intérêt immédiat pour l'économie
d'orienter l'activité des banques islamiques vers l'investissement
En outre, d'un point de vue macro-économique,
l'une des leçons tirées de la récente crise est que l'endettement peut être en soi une
cause substantielle de la crise économique. En faisant vivre les gens au dessus
de leurs moyens et en les astreignant au paiement d'échéances toute leur vie,
un simple ralentissement économique a des effets démultipliés car il entraîne
un effet domino sur tous les secteurs et ne se limite pas au secteur concerné,
du fait de la dette, c'est l'effet de massue tant redouté par les économistes. Le ralentissement de la demande, même
extérieure se répercutera de manière exponentielle. Cela conduit nombre
d'experts à préférer donner la priorité à l'investissement plutôt qu'au crédit
usuraire à la consommation, car l'investissement bénéficie de l'effet
multiplicateur de la demande expliqué par Keynes. Or la consommation
est en général essentiellement orientée vers des marchandises importées, sans
réel impact sur l'emploi et l'économie nationale, du moins par rapport à
l'investissement dans le territoire national. Ainsi,
l'on revient à l'esprit de la finance islamique, à savoir donner une large
priorité à la musharaka et aux produits liés à l'investissmeent par rapport à
la murabaha et aux produits liés à la consommation, et qui ont par ailleurs un
statut contesté d'un point de vue islamique.
Comme disent les anglais ''don't give me a fish,
but teach me how to fish''...cet exemple me parait la meilleure illustation du
dilemme du choix entre consommation et investissements (éducatif, industriel,
agricole, services...)
6. Déviation des l'esprit fondateur de la
finance islamique de la vision réelle de l'Islam pour l'économie.
La finance islamique, ne se réduit pas, comme
veulent le faire croire les banques usuraires, à la murabaha, au maquillage et
au contournement de l'intérêt classique. Au
contraire, il y a une vision préalable à la finance islamique. Ceci pousse
certains à contester le terme de finance islamique et lui préférer celui
d'économie islamique qui est plus général et moins caricaturé.
L'économie islamique c'est une économie au
service de la société, ou l'élément central est l'homme et pas l'argent. La
priorité doit être l'harmonie sociale et l'équilibre. La préservation de
l'environnement est une condition à toute transaction. L'économie réelle est
financée par la bourse, et l'on ne tombe pas dans l'inverse, une bourse en
crise qui assèche la sphère réelle et l'asphyxie pour se maintenir en vie sous
perfusion. La promotion de l'entrepreneuriat productif et de l'investissement
par rapport à la consommation y sont deux principes fondamentaux. La
responsabilité sociale y est une règle et toute discrimination fondée sur des
critères de peau ou d'origine y est exclue.
L'interdiction de l'intérêt n'y est pas centrale
pour son aspect purement technique, mais bien parce que l'injustice sociale est
perpétuée entre les détenteurs de richesses et les pauvres. A titre d'exemple,
l'intérêt rend la vie plus chère aux pauvres, contrairement aux idées reçues.
Devant la même voiture et le même logement, le pauvre aura à payer en moyenne 30% plus cher ces éléments, car il ne dispose pas de l'argent dans l'immédiat,
contrairement aux classes aisées qui peuvent payer au comptant. L'intérêt étant
par définition supérieur à l'inflation. Les
ruses, quelles qu'elles soient, sont prohibées afin de ne pas retomber dans les
torts du capitalisme financier néo-libéral.
L'interdiction de l'incertitude est aussi un
fondement de l'économie islamique. Cela permet d'éviter de plonger la société
dans les conflits juridiques et les abus de confiance. Ainsi, il est proscrit
de vendre une marchandise qui n'a pas changé physiquement de lieu et de
propriétaire.
Le but de l'Islam dans les relations économiques
est la recherche du bien-être général qui n'est qu'un moyen vers le bien-être
spirituel, et ce fondement est totalement ignoré et marginalisé par les
techniciens de la finance. Or la vie du musulman est un chemin vers l'accomplissement de soi dans la
soumission à son créateur, dans lequel il essaie de ne pas tomber dans
la nécessité absolue et les conflits sociaux qui rendront sa quête
spirituelle jonchée d'obstacles. C'est
donc le matériel qui est au service du spirituel et non le matériel
au service du matériel, autrement il n'y a pas lieu de parler d'économie
islamique et de se voiler la face, mais simplement de finance alternative. N'oublions pas que
c'est grâce à l'esprit d'éthique islamique de commerçants itinérants que
l'Indonésie est aujourd'hui musulmane, avec la volonté divine. Ce pays
représente aujourd'hui le pays le plus peuplé dans le monde musulman (240
millions d’habitants). Qu'auraient
dit les indonésiens s'ils avaient vu en ces marchands de simples négociants
courant derrière le gain et usant de la ruse pour justifier leurs transactions? Se seraient-t-ils intéressés à
l'islam? J'en doute...pire encore ils les auraient pris pour des
hypocrites...c'est un peu le discours que l'on entend de la part des
occidentaux qui sont francs avec nous et nous disent ''votre finance islamique
c'est un peu la finance classique avec du maquillage'', ou quand on entend nos
compatriotes nous dire ''la finance islamique c'est la murabaha, et la murabaha
c'est de l’hypocrisie...donc la finance islamique c'est de l'hypocrisie
pour ''halaliser'' le système classique''...
Or nous sommes là aux antipodes de l'objectif
premier de la finance islamique, à savoir constituer une alternative
éthique, crédible et durable à un système financiarisé à outrance qui commence à tomber en désuétude (sauf s'il trouve en la
finance islamique un nouveau souffle pour accomplir ses propres desseins et se
donner un délai supplémentaire d'une centaine d'années avant d'être
complètement à court de solutions viables, par la force des choses).
Interdire la spéculation, les produits dérivés,
les taux d'intérêts, la spéculation la corruption, les taxes (mukus), le
monopole... sans proposer un esprit et une vision pour accompagner ces
techniques ne fera pas long feu, et l'on tombera rapidement dans la manipulation. Récemment , l'un des ''formateurs'' franophones en finance
islamique dressait un graphique dans lequel il représentait une ligne, qu'il a
nommé frontière entre le licite et l'illicite. Il recommandait à son
auditoire de faire des montages financiers qui sont les plus proches de la
frontière avec l'illicite, car c'est là ou se trouve la plus haute rentabilité...voilà
le résultat de techniques sans esprit...un résultat que l'on retrouvera
bientôt, comme prédit dans le hadith authentique
إن الحلال بين وإن
الحـرام بين وبينهما أمور مشتبهات لا يعـلمهن كثير من الناس فمن اتقى الشبهات
فـقـد استبرأ لديـنه وعـرضه ومن وقع في الشبهات وقـع في الحرام كـالراعي يـرعى حول
الحمى يوشك أن يرتع فيه ألا وإن لكل ملك حمى ألا وإن حمى الله محارمه
Conclusion
L'an passé, un certain banquier classique parmi
ceux qui ont ouvert des guichets islamiques m'a avoué ''Nous avons un peu maquillé nos
produits classiques, mais cela n'a pas marché!''...j'ai pensé que c'est un
signe dans le destin de ce concept de finance islamique. J'ai l'amère
impression que les musulmans sont en train de tomber dans le même tort que
celui des fils d'Israel à qui il a été interdit de pêcher le Samedi, et qui
ont, avec la ruse contourné l'interdit en posant les filets de pêche Vendredi
soir pour les récupérer Dimanche matin, et rester superficiellement en accord avec
l'aspect visible de l'interdit, en apparence, mais avec une intention toute
autre (le contourner)...mais l'esprit fut trahi, et le peuple puni:
﴿ قال الله
تعالى: وَاسْأَلْهُمْ عَنْ الْقَرْيَةِ
الَّتِي كَانَتْ حَاضِرَةَ الْبَحْرِ إِذْ يَعْدُونَ فِي السَّبْتِ إِذْ
تَأْتِيهِمْ حِيتَانُهُمْ يَوْمَ سَبْتِهِمْ شُرَّعًا وَيَوْمَ لاَ يَسْبِتُونَ
لاَ تَأْتِيهِمْ كَذَلِكَ نَبْلُوهُمْ بِمَا كَانُوا يَفْسُقُونَ * وَإِذْ قَالَتْ
أُمَّةٌ مِنْهُمْ لِمَ تَعِظُونَ قَوْمًا اللَّهُ مُهْلِكُهُمْ أَوْ مُعَذِّبُهُمْ
عَذَابًا شَدِيدًا قَالُوا مَعْذِرَةً إِلَى رَبِّكُمْ وَلَعَلَّهُمْ يَتَّقُونَ *
فَلَمَّا نَسُوا مَا ذُكِّرُوا بِهِ أَنْجَيْنَا الَّذِينَ يَنْهَوْنَ عَنْ
السُّوءِ وَأَخَذْنَا الَّذِينَ ظَلَمُوا بِعَذَابٍ بَئِيسٍ بِمَا كَانُوا
يَفْسُقُونَ * فَلَمَّا عَتَوْا عَنْ مَا نُهُوا عَنْهُ قُلْنَا لَهُمْ كُونُوا
قِرَدَةً خَاسِئِينَ الأعراف: 163-166
L'économie islamique n'est pas une somme de
techniques nouvelles dénuées de sens, au contraire, c'est une vision de ''l'homo-islamicus'' qui diffère de celle de l'homo-economicus qui propose
un chemin alternatif à l'évolution de l'ensemble de la sphère économique. L'économie
islamique n'est pas complémentaire avec la finance classique, elle est une
alternative solide, crédible et durable qui mérite plus de recherche pour
les années à venir car elle présente une opportunité pour plus de stabilité
économique sans égale. L'OPA et le détournement qui est en train d'en être fait
ne doit pas aboutir, et il faut imposer, et de manière chiffrée si besoin est,
aux futures banques islamiques de pratiquer en priorité la musharaka pour l'investissement, et de
bannir, ou marginaliser la pratique de la murabaha, pour ne pas tomber dans les
mêmes torts que d'autres pays qui ont laissé les financiers ''convertis''
imposer leurs conditions. Il est impératif que les spécialistes captent ce
signal fort, peut-être le dernier, au risque de compromettre peut-être la
première innovation de processus majeure qui fait, et fera, le chemin SUD-NORD depuis des siècles
maintenant.
Salam alaykoum.Machallah pour cet article j y suis tombé par hasard sachant que le hasard n existe pas.J ai fait des études en gestion-économie et acquis une expérience plus ou moins enrichissante dans ces domaines.Mais depuis une année je souhaite me spécialiser et me réorienter dans la finance islamique ou dans l économie islamique en général,Je vis depuis 13 ans en France, vais inchallah rentrer début septembre passer les vacances au Maroc et souhaite si possible vous rencontrer pour m aider par la Volonté divine à me réorienter professionnellement dans un domaine lié à l économie islamique.Vous avez Machallah une bonne vision globale de la chose mettant oh combien fondamentale la liaison entre le spirituel et l économique, et vos conseils me seraient précieux.
RépondreSupprimerMon mail est freedby@yahoo.fr et mon numéro de téléphone est le 0033652738021.
Inchallah à bientôt vous me dites où je pourrais vous rencontrer je serais inchallah au Maroc entre le 4 et 20 sept.
Ramadan moubarak avec au bout inchallah encore plus d esprit et de iman.
Salam alaykoym
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